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NGC 3079

où l'on apprend qu'il existe des thermomètres à l'ammoniac

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NGC 3079

NGC 3079 (= PGC 29050 = CG 1983) est une galaxie spirale barrée vue par la tranche de type SBcd et située dans la constellation de la Grande Ourse à environ 51 millions d'années-lumière de la Voie lactée.

 

Elle a été découverte par l'astronome germano-britannique William Herschel le 1er avril 1790.

 

Per Dreyer l’a décrite comme "très brillante, grande, très étendue à 135 ° ".

 

EN se fondant sur une vitesse de récession de 1115 km / s, la galaxie spirale NGC 3079 se trouve à environ 20.7 Mpc (∼67.5 millions d'a.l.), ce qui est en concordance avec les estimations de distance liées au Redshift. Compte tenu de sa taille apparente de 7,9 x 1,5 arcmin, elle est estimée à environ 140 000 années-lumière de diamètre.

NGC 3079 a 2 compagnons (MCG + 09-17-009 et NGC 3073)

et fait partie d'un groupe de galaxies (au moins 8 galaxies, cf. infra) qui porte son nom

et dont NGC 3079 est la galaxie la plus brillante.

Galaxie LINER (c'est-à-dire une galaxie dont le noyau présente un spectre d'émission caractérisé par de larges raies d'atomes faiblement ionisés), NGC 3079 est surtout une galaxie active de type Seyfert. Elle est en train de subir un épisode de sursaut de formation d’étoiles (starburst).

 

Un gros plan de la région centrale de NGC 3079 provenant des images captées par Hubble révèle cette activité intense avec cette bulle soufflée du noyau galactique, poussée par des "super vents" stellaires provenant de la formation d'étoiles, s’élevant à plus de 3 500 années-lumière au-dessus du disque de la galaxie et présentant des températures pouvant atteindre 10 millions de degrés Kelvins. Il s'agirait d'un phénomène récurrent, se produisant tous les dix millions d'années environ, ces gaz finissant par retourner vers le disque galactique où ils compriment de nouveaux nuages de gaz et de poussière pour donner un nouveau sursaut de formation d'étoile, répétant le phénomène, et donnant naissance à une nouvelle génération d'étoiles.

 

La bulle que nous observons actuellement a probablement été créée il y a environ un million d'années.

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Ce sursaut d’activité confère le statut de galaxie Seyfert de type Sy2 à NGC 3079 mais l'activité du son noyau provient également d’un trou noir supermassif qui s'y trouve. On estime sa masse à 2,4 millions de masses solaires.

 

Des observations complémentaires en hydrogène neutre profond (HI) au radiotélescope Westerbork Synthesis permettent toutefois de révéler que ce disque HI est beaucoup plus étendu et perturbé que ce que nous montre Hubble, avec un rayon s’étendant jusqu’à 22 kpc !, asymétrique tant morphologiquement que cinématiquement et avec une légère déformation des bords nord et sud.

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Le déséquilibre de NGC 3079 en HI (Shafi et al.  2015)

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Continuum radio HI autour de NGC 3079 (Shafi et al.  2015)

Ces observations de 2015 ont par ailleurs permis de révéler ou préciser les éléments suivants :

 

  • En plus des deux galaxies compagnes connues auparavant (NGC 3073 et MCG 9-17-9), du gaz HI a été détecté dans cinq galaxies supplémentaires (trois avec un redshift auparavant inconnu et qui sont probablement associées au groupe NGC 3079).

 

  • Parmi celles-ci, deux d'entre elles ([YGK81] 078 et SDSS J100311.18 + 553557.6) semblent participer aux interactions dans le groupe.

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  • Présence d’un pont de HI d'environ 33 kpc visible entre NGC 3079 et MCG 9-17-9.

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Pont entre NGC 3079 et MCG 9-17-9 et extension H I vers J100311.18+553557.6 (Shafi et al.  2015)

  • La pression exercée par le halo de rayons X chaud de NGC 3079 est probablement responsable de l'extraction du gaz provenant du MCG 9-17-9, bien que des effets de marée aient pu jouer par le passé.

 

  • La queue HI « cométaire » de NGC 3073 liée à la pression exercée par les « super vents » provenant de NGC 3079, initialement décrite par Irwin et al. en 1987, s'étend plus loin que dans la description initiale, et une seconde queue, plus courte, est également visible.

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Distribution du HI de NGC 3073 en fonction des canaux, on voit les deux queues apparaître (Shafi et al.  2015)

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Image HI intégrée de NGC 3073, on voit les deux queues « superposées » (Shafi et al.  2015)

Mais il faut savoir qu’il y a plein d’éléments éjectés du noyau de NGC 3079, comme du CI, du CO, du méthanol (!!), de l’ammoniac :

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Image optique WFPC2 HST de NGC 3079 superposées aux images des émissions de [NII] et de la ligne H, obtenue à partir des archives de données HST.

Les lignes pointillées représentent la taille du faisceau d’observations d’ammoniac avec le radiotélescope japonais Tsukuba de 32 m.

A droite, zoom sur la région centrale. Chercher les petits points rouges :)

Pourquoi diable s’intéresser à l’ammoniac ? L'ammoniac (NH3) est en fait un thermomètre pour les gaz moléculaires relativement denses (au niveau cosmologique) grâce à sa structure symétrique axiale et à son état métastable... Pour ceux qui se demandent de quoi on parle : NH3 a une structure supérieure symétrique qui présente des doublets d'inversion causés par l'atome d'azote qui passe à travers la barrière de potentiel dans le plan de trois atomes d'hydrogène. Les transitions dipolaires autorisées de NH3 sont ΔJ = ± 1 et ΔK = 0, car le moment dipolaire correspond à l'axe de symétrie de la molécule. Les niveaux non métastables [J, K (≠ J)] se désintègrent rapidement via les transitions ΔJ = 1 dans l'infrarouge lointain (coefficients A d'Einstein ∼ 10−1 s − 1), et à l’inverse les transitions radiatives ΔK = ± 3 sont très lentes (A ∼ 10−9 s − 1), d’où les niveaux métastables sont peuplés [J, K (= J)] (A ∼ 10−7 s − 1). Dans ces niveaux métastables, les populations relatives sont principalement déterminées par des collisions et suivent (donc) une distribution de Boltzmann. La température de rotation peut ainsi être déduite du rapport des densités de colonne des niveaux métastables. Au final, ça ressemble à ça (c'est moins simple que chez ma grand-mère) :

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Exemples de mesures de colonnes de densité de l’ammoniac, près du centre de NGC 3079

Beaucoup moins spectaculaires, des observations récentes avec le système Swift-BAT de Herschel semble montrer que dans les galaxies hébergeant un AGN très actif, telles que NGC 3079, la distribution de la formation d'étoiles (et donc de gaz) soit plus compacte, ce qui conforte l'hypothèse d'une coévolution AGN / hôte dans laquelle l'accrétion sur le trou noir central et la formation d'étoiles sont alimentées par le même réservoir de gaz, avec une alimentation plus efficace du trou noir si ce réservoir est plus concentré. Dis comme ça, ça peut sembler logique mais ce n'est pas si évident que ça.

 

De même, des observations en bande L via EVLA (CHANG-ES)  ont permis de mettre en évidence une polarisation circulaire au sein de NGC 3079 (la polarisation circulaire d'un rayonnement électromagnétique est une polarisation où la norme du vecteur du champ électrique ne change pas alors que son orientation change selon un mouvement de rotation. L’application en optique est la lumière dite « polarisée »). NGC 3079, avec un indice de Stokes faible, présente un noyau de rayons X moins lumineux et une absorption interne des rayons X moins forte que, par exemple, NGC 660 et NGC 3628, qui présentent des indices de Stokes plus importants ( V/I ≡ mC ∼ 2% vs 0.2% pour NGC 3079). L’indice de Stokes appartient à la physique des fluides, le Stokes étant l’unité de viscosité cinématique.

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Sources :

 

Populating the Galaxy Velocity Dispersion : Supermassive Black Hole Mass Diagram, A Catalogue of (M bh, σ) Values. A. W. Graham. Publications of the Astronomical Society of Australia, vol. 25 #4,‎ mars 2013, p. 167-175.

 

Local Swift-BAT active galactic nuclei prefer circumnuclear star formation. D. Lutz, T. Shimizu, R. I. Davies, R. Herrera-Camus, E. Sturm, L. J. Tacconi and S. Veilleux. Astronomy and Astrophysics, volume 609A, 9-9

 

CHANG-ES – XI. Circular polarization in the cores of nearby galaxies. J. A Irwin, R. N Henriksen, M. Weżgowiec, A. Damas-Segovia, D. Wang, M. Krause, G. Heald, R.-J. Dettmar,  J.-T. Li, T. Wiegert, Y. Stein, T. T Braun, J. Im, P. Schmidt, S. Macdonald, A. Miskolczi, A. Merritt, S. C. Mora-Partiarroyo, D. J. Saikia, C. Sotomayor & Y. Yang. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 476, Issue 4, 1 June 2018, Pages 5057–5074.


Relativistic jet feedback – III. Feedback on gas discs. D. Mukherjee, G. V Bicknell, A. Y. Wagner, R. Sutherland, J. Silk. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 479, Issue 4, 1 October 2018, Pages 5544–5566.

 

The ‘shook up’ galaxy NGC 3079: the complex interplay between H I, activity and environment. N. Shafi, T. A. Oosterloo, R. Morganti, S. Colafrancesco & R. Booth.  Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 454, Issue 2, 1 December 2015, Pages 1404–1415.

 

Hot ammonia in the center of the Seyfert 2 galaxy NGC 3079. Y. Miyamoto, N. Nakai, M. Seta  D. Salak, K. Hagiwara, M. Nagai, S. Ishii & A. Yamauchi. Publications of the Astronomical Society of Japan, Volume 67, Issue 1, 1 February 2015, 5,

Page initialement rédigée le 04/02/2019

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