

CDK 500 - El Sauce - Chili

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Planewave CDK 500, Obstech, Chili
ESO 172-7
L’endroit le plus froid connu de l’Univers

Introduction
Objet de référence pour l’étude des phases transitoires de la mort stellaire et pour la compréhension des processus de refroidissement extrême du gaz, ESO 172-7 constitue à la fois une curiosité cosmique — l’endroit le plus froid connu de l’Univers — et un terrain d’étude privilégié pour les astrophysiciens qui cherchent à percer les secrets de la fin de vie des étoiles semblables au Soleil.

Image prise par la caméra planétaire à grand champ 2 (Wide Field Planetary Camera 2) du télescope spatial Hubble.
Go to linkImage prise par la caméra planétaire à grand champ 2 (Wide Field Planetary Camera 2)
du télescope spatial Hubble.
Description
La nébuleuse ESO 172-7 est un objet céleste singulier situé dans la constellation australe du Centaure. Elle est principalement accessible depuis l’hémisphère Sud. Avec une brillance globale relativement faible — sa magnitude visuelle avoisine 12 — elle demeure difficile à observer en visuel, sauf à l’aide de télescopes de grand diamètre et sous un ciel très sombre. Pour la plupart des astronomes amateurs, elle apparaît comme une faible lueur allongée, bien loin de la beauté révélée par les images spatiales.
L’objet fut identifié pour la première fois à la fin des années 1970 dans les relevés photographiques de l’Observatoire Européen Austral (ESO). Les premières descriptions scientifiques, notamment par Wegner et Glass en 1979, mirent en évidence sa structure bipolaire atypique.
Peu après, au début des années 1980, les observations réalisées avec le télescope anglo-australien par Keith Taylor et Stuart Scarrott confirmèrent cette apparence particulière et conduisirent à lui attribuer le surnom de « Nébuleuse du Boomerang », en raison de sa silhouette courbée rappelant l’arme traditionnelle australienne. Ce nom évocateur est depuis devenu son appellation la plus répandue dans la littérature astronomique et auprès du grand public.
La distance exacte de cette nébuleuse reste sujette à débat : certaines mesures l’estiment à environ 1 200 années-lumière, tandis que d’autres, notamment celles issues d’observations infrarouges et millimétriques, la placent beaucoup plus loin, à près de 5 000 années-lumière. Malgré cette incertitude, les deux valeurs confirment qu’il s’agit d’un objet galactique relativement proche, inscrit dans notre Voie lactée. L’objet présentant une dimension apparente d’environ 1,5 minute d’arc, ce qui correspond à une taille réelle proche d'environ 2 à 4 années-lumière de diamètre (selon sa distance réelle).

La nébuleuse Boomerang photographiée par le télescope spatial Hubble, crédit image : NASA/Hubble Team/John Biretta/Kevin M. Gill
La nébuleuse Boomerang photographiée par le télescope spatial Hubble, crédit image : NASA/Hubble Team/John Biretta/Kevin M. Gill
Un peu de science
Il s’agit d’une nébuleuse protoplanétaire bipolaire, une étape transitoire et brève de l’évolution stellaire qui survient après la phase de géante rouge et précède celle de nébuleuse planétaire. Sa célébrité tient à une caractéristique exceptionnelle : elle détient le record de l’endroit naturel le plus froid de l’Univers connu, avec une température mesurée d’environ 1 kelvin, soit encore plus basse que celle du fond diffus cosmologique. Sa morphologie en « nœud papillon », visible sur les images du télescope spatial Hubble, résulte de l’éjection de deux grands lobes de gaz symétriques autour d’une étoile mourante.
La morphologie de la nébuleuse du Boomerang est spectaculaire et complexe. En lumière visible, les images du télescope spatial Hubble révèlent deux lobes symétriques s’étendant de part et d’autre d’une région centrale étroite, formant une silhouette en « papillon » ou en « boomerang ». Ces lobes sont traversés de filaments gazeux et de zones d’ombre, témoignant de la présence de poussière qui masque partiellement la lumière centrale.
Les observations dans le domaine millimétrique, notamment grâce au réseau ALMA, ont permis de mettre en évidence une enveloppe de gaz encore plus vaste que ce que laisse deviner le domaine optique ; elles montrent que la nébuleuse est enveloppée d’un cocon moléculaire froid, produit par un flot de matière expulsée à grande vitesse et se refroidissant par détente adiabatique. En infrarouge, la poussière chauffée par le rayonnement stellaire apparaît plus clairement, ce qui permet de reconstituer la structure en trois dimensions de ce système.
Ainsi, selon la longueur d’onde d’observation, la nébuleuse du Boomerang offre des visages différents : un cœur lumineux cerné de poussière en optique, une coquille glacée en millimétrique, et une enveloppe poussiéreuse diffuse en infrarouge.
NB : détente adiabatique : La détente adiabatique est un phénomène physique qui se produit lorsqu’un gaz se dilate sans échange de chaleur avec son environnement. En s’étendant, le gaz consomme son énergie interne pour effectuer du travail mécanique, ce qui entraîne une baisse de sa température. C’est le même principe que dans un réfrigérateur ou une bombe aérosol : quand le gaz se détend brusquement, il se refroidit.
Physique et température extrême
Cette nébuleuse est entrée dans l’histoire de l’astronomie grâce à une propriété qui la rend unique : depuis 2003, c’est l’endroit naturel le plus froid connu de l’Univers. Des mesures spectroscopiques ont montré que certaines régions de son enveloppe moléculaire atteignent une température d’environ 1 kelvin, soit légèrement en dessous du fond diffus cosmologique (2,7 K), qui constitue normalement la limite de froid naturel observable dans le cosmos.
Ce phénomène extraordinaire s’explique en réalité par découverte (dans les années 1990 grâce à l’observation des raies de monoxyde de carbone) d'un flot de gaz moléculaire expulsé par l’étoile centrale à une vitesse de près de 160 km/s (590 000 km/h). En se dilatant rapidement dans l’espace, ce gaz subit une détente adiabatique comparable à celle qui se produit dans un réfrigérateur, provoquant ainsi un refroidissement extrême.
On pense qu'elle s'est formée à partir de l'enveloppe d'une étoile en fin de vie qui a subi l'engloutissement d'une compagne binaire plus petite. Il est possible que ce soit la cause des flux ultra-froids, qui sont illuminés par la lumière de l'étoile centrale mourante.
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Étoile centrale et évolution
Au cœur de la nébuleuse se trouve une étoile vieillissante ayant quitté la phase de géante rouge. Elle a déjà éjecté une part importante de son enveloppe externe, et poursuit un processus de perte de masse rapide et massif. Les modèles indiquent qu’en seulement un à deux millénaires, cette étoile aurait rejeté jusqu’à 1,5 fois la masse du Soleil sous forme de gaz et de poussière.
Actuellement, l’étoile n’est pas encore assez chaude pour ioniser l’enveloppe qu’elle a expulsée : c’est pourquoi la nébuleuse du Boomerang est classée comme protoplanétaire et non encore comme nébuleuse planétaire. Dans quelques milliers d’années, à mesure que son cœur se contractera et que sa température augmentera, l’astre deviendra une naine blanche, et l’enveloppe gazeuse brillera alors sous l’effet du rayonnement ultraviolet, donnant naissance à une véritable nébuleuse planétaire.
La Nébuleuse du Boomerang une étape fugitive mais cruciale de l’évolution stellaire : celle qui relie les géantes rouges aux nébuleuses planétaires, avant la transformation finale en étoile résiduelle compacte.
Protoplanétaires… mais pas encore planétaires : comprendre les proto-nébuleuses planétaires
Entre la fin d’une géante rouge et la naissance d’une nébuleuse planétaire, il existe une étape fulgurante et méconnue : la proto-nébuleuse planétaire (souvent abrégée PPN, aussi appelée pré-nébuleuse planétaire ou objet post-AGB). C’est un moment de transition si bref à l’échelle cosmique (quelques centaines à quelques milliers d’années) qu’on en observe relativement peu — mais chacune est un laboratoire précieux de physique stellaire, de dynamique des vents et de chimie du milieu interstellaire. En quelque sorte, une proto-nébuleuse planétaire est la chrysalide d’une nébuleuse planétaire : cette étape, fugitive mais décisive, raconte comment une étoile ordinaire finit par peindre dans l’espace ces œuvres lumineuses que sont les nébuleuses planétaires.
De la géante rouge à la nébuleuse planétaire : où se place la PPN ?
Une étoile de masse solaire termine sa vie sur la branche AGB (Asymptotic Giant Branch), où elle perd massivement son enveloppe via un vent stellaire "lent" (≈ 10–20 km/s) et dense, chargé de poussières. Quand la combustion interne s’éteint, le cœur se contracte et se réchauffe, mais pas encore assez pour ioniser l’enveloppe éjectée : c’est l’intervalle post-AGB.
Dans cette phase proto-nébuleuse planétaire :
l’étoile centrale se réchauffe rapidement ;
l’enveloppe reste neutre (peu ou pas d’Hα), visible surtout en lumière réfléchie et en infrarouge ;
les molécules (CO, H₂) et la poussière dominent l’émission.
Puis quand la température du cœur dépasse quelques dizaines de milliers de kelvins, l’ionisation démarre : la PPN devient alors une nébuleuse planétaire classique.
Pourquoi ces formes spectaculaires ?
Les PPN sont souvent bipolaires ou multipolaires : deux lobes en « papillon », séparés par un tore (anneau) de poussière qui masque la région centrale. La physique clé :
un vent rapide (≈ 100–200 km/s) se déclenche et pousse le vent lent AGB, sculptant des cavités ;
des jets collimatés (probablement liés à un compagnon stellaire et/ou à un disque d’accrétion) creusent des axes préférentiels ;
la poussière absorbe la lumière de l’étoile et la réémet en IR, tandis que les parois des lobes brillent en réflexion ; des chocs peuvent exciter la raie H₂ à 2,12 μm.
Résultat : une diversité de silhouettes — « nœud papillon », sablier, multipôles — déjà visibles avant l’ionisation.
Une chimie riche, des indices fins
Selon que l’étoile a synthétisé davantage de carbone ou d’oxygène, on observe :
des signatures carbonées (PAH, bande « 21 μm ») et suies stellaires,
ou des silicates (souvent cristallins) du côté oxygéné.
Les masers (OH, H₂O, SiO) et les raies du CO tracent vitesses et densités. Ces poussières et molécules, ensuite redistribuées au milieu interstellaire, participent à l’enrichissement de la Galaxie — futurs ingrédients d’étoiles et de planètes.
Comment les étudie-t-on ?
En imagerie à haute résolution (Hubble) : elle révèle les lobes, les arcs, le sombres et les jets.
En radio/mm (ALMA) : pour une cartographie du gaz moléculaire et de ses vitesses et de ses températures.
En infrarouge (au sol et en spatial) : étude de la poussière, des PAH, des lignes H₂ ; puis polarimétrie de réflexion pour reconstituer l'architecture 3D de la PPN.
En spectroscopie : chimie (C/O), minéralogie de la poussière, diagnostics de chocs.
Exemples emblématiques
CRL 2688 (la « Nébuleuse de l’Œuf ») : lobes lumineux, poussières en couches concentriques.
CRL 618 (Westbrook) : jets rapides et chocs dans le gaz moléculaire.
Red Rectangle (HD 44179) : structure en sablier finement stratifiée, riche en PAH.
Nébuleuse du Boomerang (ESO 172-7) : PPN bipolaire à flot ultra-froid, record de refroidissement par détente adiabatique.
En conclusion, pourquoi comptent-elles ?
Elles relient la perte de masse AGB au sculptage des nébuleuses planétaires.
Elles testent le rôle des binaires, disques et champs magnétiques dans la formation des formes complexes.
Elles quantifient le retour de matière (gaz + poussières) au milieu interstellaire, clé de l’évolution chimique de la Voie lactée.
Pour l’observateur et l’astrophotographe
Visuellement, les PPN sont difficiles : faible brillance de surface, peu d’ionisation.
En photo :
privilégier la luminance + RGB (les filtres étroits type Hα sont souvent peu utiles avant l’ionisation) ;
prévoir des poses longues et nombreuses sous un ciel noir, avec retrait de gradients soigné ;
le proche-IR (si accessible) et la bande B (réflexion) peuvent aider à faire émerger les lobes.
Certaines cibles (Œuf, Red Rectangle) sont à la portée d’instruments amateurs bien pilotés ; d’autres exigent des intégrations profondes.
Références :
Date de création :
Date de modification :
07 09 2025
07 09 2025