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Constellation

         de  la CHEVELURE DE BERENICE

Admirez la chevelure d'une reine d'Egypte, qui offrit ses cheveux aux Dieux pour les remercier d'avoir gardé son mari en vie, le roi Ptolémée III. 

Entre le Bouvier et le Lion, elle forme un petit amas d'étoiles assez pâles en forme d'éventail, déjà connu des Grecs mais qui n'était à cette époque pas considéré par eux comme une constellation car il faisait alors partie du Lion.

Cette petite constellation abrite le pôle nord galactique (défini par la perpendiculaire au plan de la Voie lactée) et le radiant d'une pluie de météores, les Coma bérénicides, dont les météores ont une vitesse parmi les plus rapides (jusqu'à 65 km/s).

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L'Uranographia de Johannes Hevelius, 1690

Ptolémée, à la fin de son chapitre sur le Lion dans l'Almageste, qualifie l'amas de « masse nébuleuse appelée Plokamos » (cad mèche, sous-entendu de cheveux). Il liste ensuite trois étoiles aux coins de l'essaim qui correspondent à gamma, 7 et 23 Comae Berenices. Ce triangle d’étoiles est retrouvé sur la carte du ciel d’Albrecht Dürer de 1515, au-dessus de la queue du Lion et derrière les pattes arrière de la Grande Ourse.

 

À la description de la troisième étoile, Ptolémée ajouta cette mention curieuse « en forme de feuille de lierre », faisant vraisemblablement référence à la forme générale du trio et à la masse nébuleuse à l'intérieur (Melotte 111, cf. infra). Neuf siècles plus tard, l’astronome / astrologue perse al-Bīrūnī (973-1048) reprit cette mention dans son Kitāb al-Tafhīm, écrivant que ce groupe d’étoiles ressemblait à « un nuage en forme de feuille de lierre ». À la suite de ces descriptions, ce groupement triangulaire fut parfois représenté à l'époque médiévale comme une feuille de lierre au-dessus de la queue du Lion.

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L'Uranographia de Johannes Hevelius, 1690

Et si Ératosthène la nommait indifféremment Les Cheveux d'Ariane dans sa description de la Couronne Boréale et Les Cheveux de la Reine Bérénice d'Égypte dans sa description du Lion, ce n'est qu'en 1536 que la Chevelure de Bérénice apparaît sur un globe céleste en tant que constellation distincte sous le nom de Berenices Crinis, par un mathématicien et cartographe allemand, Caspar Vopel (1511–1561). Vopel fut suivi en 1551 par le cartographe néerlandais Gerardus Mercator, qui appela alors la constellation Cincinnus, mot latin signifiant mèche de cheveux. Plus tard, ce fut Tycho Brahe en 1602 qui inclut Coma Berenices dans son Catalogue, assurant ainsi son adoption large. La constellation définie par Vopel, Mercator et Tycho couvre en fait une superficie beaucoup plus grande que la masse nébuleuse décrite par Ptolémée, qui correspond en fait à l’amas Melotte 111. Il est à noter qu’elle ne sera pas reprise par Johann Bayer dans son Uranometria.

Coma Berenices et Canes Venatici

Coma Berenice Mercartor

La Chevelure de Bérénice sur une globe de Mercator de 1551 (Collection d'Harvard)

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MYTHOLOGIE

Ainsi, si cette constellation était originellement un astérisme connu au moins depuis la période hellénistique et associé secondairement à une légende, c’est toutefois la seule constellation actuelle qui doive son nom à un personnage historique (avec l'Écu de Sobieski, mais le nom officiel a depuis été raccourci en Scutum).

 

Bérénice II d'Égypte, épouse de Ptolémée III Evergetes, fit la promesse solennelle de faire une offrande votive de ses cheveux si le roi rentrait sain et sauf de la guerre qui l’opposa en 246 av. J.-à Séleucos II et à sa mère Laodicé Ire, conflit connu sous le nom de Troisième Guerre Syrienne. Ptolémée III - né en 246 av. J.-C. et mort en 221 – était le roi qui fit d’Alexandrie un important centre culturel. Or Laodicé Ire avait fait assassiner le roi Antiochos II et Bérénice Syra, sa nouvelle épouse et la sœur de Ptolémée III, ainsi que leur fils.

C’est à ce moment que commence la légende.

Dans le récit grec, Ptolémée vainqueur, Conon de Samos, l'astronome de la cour, présenta l'astérisme lors d'une cérémonie publique (possiblement avant même le retour de Ptolémée III) avec le concours du savant et poète Callimaque, cérémonie au cours de laquelle fut lu le poème Aetia de Callimaque qui appelait l'astérisme Plokamos Berenikēs ou Bostrukhon Berenikēs (traduit en latin par "Coma Berenices" par Catulle).

Catulle, dans sa traduction latine de l'Aetia, et Hyginus, dans le De Astronomica, racontent l’histoire différemment. Alors que dans l’Aetia Bérénice offrait sa chevelure à l’ensemble des Dieux, les deux auteurs racontent que Bérénice fit son offrande à la seule Aphrodite, et plaça ses tresses dans le temple d'Arsinoe II à Zephyrium. Mais surtout, selon eux, ce n’est qu’une fois Ptolémée revenu que Bérénice coupa ses cheveux et les déposa au temple, où la chevelure disparut mystérieusement dans la nuit. Ptolémée fit fermer les portes de la ville pour la faire fouiller de fond en comble, mais sans résultat. Pour apaiser le roi et la reine outragés, Conon de Samos, annonça que l'offrande avait tellement plu à la déesse qu'elle l'avait placée dans les cieux.

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La Chevelure de Bérénice était connue dans le royaume Akkadien (empire-état fondé par Sargon d'Akkad qui domina la Mésopotamie de la fin du XXIVe siècle av. J.-C. au début du XXIIe siècle av. J.-C.) en tant que Ḫegala.

 

Dans l’astronomie babylonienne, une étoile, connue sous le nom de  ḪÉ.GÁL-a-a (ce qui peut être traduit par « qui est devant elle ») ou MÚL.ḪÉ.GÁL-a-a, semble avoir fait partie de la Chevelure de Bérénice actuelle.

 

Il semble que la Chevelure de Bérénice apparaisse dans les horloges stellaires ramessides égyptiennes en tant que sb3w ꜥš3w, ce qui signifiait « beaucoup d'étoiles » (en référence à son amas).

 

En astronomie arabe, la Chevelure de Bérénice s'appelait Al-Dafira et Al-Hulba (traduction du Plokamos de Ptolémée), formant la touffe de la queue du Lion en incluant la plupart des étoiles portant une désignation de Flamsteed (désignation similaire à la désignation de Bayer, mais qui utilise un nombre en lieu et place d'une lettre grecque. Est assigné ainsi à chaque étoile un nombre suivi du génitif latin de la constellation dont elle fait partie), notamment 12, 13, 14, 16, 17, 18 et 21 Comae Berenices.

Les Pawnees d'Amérique du Nord recopièrent la Chevelure de Bérénice (sous la forme dix étoiles faibles) sur une peau de wapiti tannée datée au moins du XVIIe siècle.

 

Dans la mythologie des Kali'na d'Amérique du Sud, la constellation était connue comme l’ombatapo (le visage).

 

La constellation était également reconnue par diverses populations polynésiennes. Le peuples des Tonga avait quatre noms pour désigner la Chevelure de Bérénice : Fatana-lua, Fata-olunga, Fata-lalo et Kapakau-o-Tafahi. Les aborigènes Wergaia appelaient la constellation Tourt-chinboiong-gherra, et la voyaient comme une petite volée d'oiseaux buvant l'eau de pluie contenue dans une flaque d'eau située dans la fourche d'un arbre. Les habitants de l'atoll de Pukapuka l'auraient appelée Te Yiku-o-te-kiole, même si parfois ce nom est aussi associé à la Grande Ourse.

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"Bottes, Canes Venatici, Coma Berenices, et Quadrans Muralis", planche 10 extraite du Miroir d'Uranie, un jeu de cartes célestes accompagné d'un traité de vulgarisation sur l'astronomie de Josaphat Aspin.

Dans l’astronomie chinoise, les étoiles formant la Chevelure de Bérénice faisaient partie de deux provinces : l'Enceinte du Palais Suprême  et le Dragon Azur de l'Est.

Une quinzaine d’étoiles de l’amas d’étoiles de la Chevelure formaient un astérisme appelé Langwei (Siège du Général), un groupe de fonctionnaires de la Cour qui comprenait divers érudits, conseillers et gardes du corps. Au nord se trouvait une seule étoile appelée Langjiang, le capitaine des gardes du corps, probablement Gamma Comae Berenices, bien qu'elle soit également identifiée par certains comme 31 Com ou même Alpha Canum Venaticorum.

Une comète ou une nova apparaissant au sein de cet astérisme étaient considérées comme un avertissement à l'empereur d'une rébellion imminente parmi les rangs des fonctionnaires civils. A l'inverse, lorsque les étoiles n'étaient pas visibles, l'astrologue l'interprétait comme un présage de la disparition de l'impératrice ou d'une concubine impériale, sinon la mort d'un courtisan favori.

Beta, 37 ans et 41 Com ont formé Zhouding, représentant un récipient alimentaire en bronze à trois pattes (bien qu'une tradition antérieure plaçait Zhouding dans le Bouvier).

Alpha Comae Berenices était l'étoile la plus septentrionale d'une chaîne de cinq étoiles qui s'étendaient vers le sud dans la Vierge; cette chaîne marquait le mur oriental de Taiwei, une cour où l'empereur rencontrait son conseil privé.

Enfin, cinq étoiles pâles du sud de la Chevelure, à l’identité incertaine, formaient Nei wuzhuhou, qui représentait cinq seigneurs ou princes féodaux qui gouvernaient divers États périphériques, ici réunis au sein de la cour de Taiwei. D'autres constellations au sein de la cour étaient en Vierge et en Lion d'aujourd'hui.

Bode (1801), détail de la planche 2: Libra Planisphere Uranographia Tab II. Stellatum Hemisphaeri um Librae

Bode (1801), détail de la planche 2: Libra Planisphere Uranographia Tab II. Stellatum Hemisphaeri um Librae. 

Roger Sinnott & Rick Fienberg, Sky and Telescopes

Roger Sinnott & Rick Fienberg, Sky and Telescopes

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Melotte 111 :  La plupart des étoiles de la Chevelure constituent un amas ouvert qui n'a pas d'entrée dans les catalogues historiques parce qu'il est étalé sur une région de plus de 5° à proximité de γ Comae Berenices ce qui fait que sa véritable nature d'amas ne fut prouvée qu'en 1938 (par Trumpler). Il n’est présent que dans le catalogue établi par Philibert Jacques Melotte, sous la désignation Melotte 111. Situées en moyenne à 288 années-lumière (cad l'un des amas ouverts les plus proches de nous), la trentaine d'étoiles qui le composent forme un groupe grossièrement triangulaire dont les membres les plus brillants sont de l'ordre de la magnitude 5.

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