top of page

Cliquer sur les images pour les afficher intégralement et les ouvrir dans un nouvel onglet

NGC 2535 - NGC 2536. Nuit du 03 décembre 2018. Nerpio.


Optique : C11 Edge HD, réducteur de focale x0.72

Monture : Paramount ME

Caméra : ATIK 4000 MM

Logiciels : CCD AP, MaximDL, PixInsight

Poses unitaires : 6 poses unitaires de 600 secondes en filtre L, 6 en filtre R et 5 en B. G synthétique.

Résolution : 0.78"

NGC 2535 - NGC 2536

Un couple en pleine crise de la quarantaine

Introduction

Cette paire de galaxies en interaction aussi appelée Arp 82 connaît l'équivalent galactique d'une crise de la quarantaine. Pour une raison inconnue, le couple n’a pas formé ses étoiles tôt dans son évolution, comme le font la plupart des galaxies, mais il y a environ 2 milliards d'années seulement, comme si elles avaient retrouvé un second souffle et qu’elles étaient redevenues jeunes.

Description

NGC 2535 (= GC 5409) est une galaxie spirale de magnitude 12,8 de type SA (r) c pec (SA = galaxie spirale sans barre, (r) = ring, c = bras serrés, pec = peculiar) située dans la constellation du Cancer à environ 187 millions d'années-lumière. Elle a été découverte par l'astronome germano-britannique Édouard Stephan en 1877. John Dreyer l'a décrite en 1908 comme "extrêmement pâle, très petite, ronde".


Le système a un air de M51. Il se compose d'une galaxie spirale lumineuse avec une structure spirale à deux bras bien définie (NGC 2535), dont un bras se connecte avec et/ou chevauche la galaxie satellite proche NGC 2536. De plus, NGC 2535 possède une longue queue de marée dans le prolongement du bras spiral Nord, du côté opposé à la galaxie satellite. 


La base de données Simbad indique que NGC 2535 est une radiogalaxie. Sa distance est estimée à 30,329 ± 19,583 Mpc (∼98,9 millions d'années-lumière) ou 57,2 ± 3,9 Mpc (∼187 millions d'a.l.) selon que les mesures soient fondées ou non sur le redshift. Compte tenu de sa taille apparente de 2,5 par 1,2 arcmin, NGC 2535 couvrirait environ 140 000 années-lumière en considérant sa distance à 190 millions d’années-lumière.


Elle constitue avec NGC 2536 une paire de morphologie particulière qui a conduit l’inscription des deux galaxies au catalogue d’Halton Arp sous le numéro Arp 82 (Atlas of Peculiar Galaxies). Leur interaction gravitationnelle a été confirmée par la mesure de leurs vitesses de récession, avec des mesures presqu'identiques pour les deux galaxies (4095 km / sec ± 10 km/s pour NGC 2535 et 4085 km/s ± 10 km/s pour NGC 2536), mesures réalisées en 1990 par Amram, Marcelin, Boulesteix et le Coarer de l’observatoire de Marseille. 


Pour cela, ils se sont aidés d’un interféromètre de Pérot-Fabry et du système CIGALE (un instrument de contage de photons à deux dimensions) puis ont posé 3200 (!) points de vélocité sur la galaxie (pour une résolution spatiale de 1″5 et une précision de mesure de vitesse de 19 km/s). Ils ont par ailleurs évalué leurs masses aux alentours de 3.10^10 M⊙ pour la galaxie principale et de 10^9 M⊙ pour NGC 2536 (en prenant cette fois comme distance 41 Mpc pour la paire, soit 141 millions d'années-lumière).

Un peu de science

L'interaction avec NGC 2536 est presque certainement la cause de l'extension des bras de NGC 2535, et notamment du très long bras situé au Nord-Ouest, qui apparaît « cassé ». Il est intéressant de remarquer que cette interaction, qui est à la limite du frôlement, se passe quasiment dans le plan des deux galaxies. Ce type d’interaction entraine la formation de deux longs bras de marée avec un fort contraste bras / inter-bras sur la galaxie prograde (un mouvement prograde est une mouvement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre d’un objet lors d’une révolution autour de son corps central lorsqu'il est regardé depuis le pôle nord de rotation du corps central, cad le mouvement contraire d’un mouvement rétrograde) ainsi que le  désalignement entre les axes cinématique et photométrique, traduisant la présence d’un disque intrinsèquement de forme ovale et des dispersions généralisées à grande vitesse de l’hydrogène neutre H I (ce qui peut aussi se traduire par une certaine turbulence dans les vitesses de l'hydrogène neutre). Il est intéressant de constater l’absence d’émission de H I ou de continuum radio sur le bord de cet ovale dans le cas de NGC 2535, (contrairement par exemple à IC 2163), ce qui indique une phase d’interaction « plus tardive ». Enfin, les données observationnelles mettent en évidence un transfert de masse de NGC 2535 vers sa petite compagne s’accompagnant de formations d’étoiles.


Les deux galaxies sont noyées dans une grande enveloppe d’hydrogène neutre H I associée à la galaxie principale. Ce disque gazeux est trop grand pour être le résultat de l'interaction entre les deux galaxies ; il préexistait très probablement à leur rapprochement. La masse totale d'hydrogène neutre dans la paire de galaxies est estimée à 2.3 × 10^10 M⊙, où seule une petite partie de cet hydrogène (5 × 10^8 M⊙) appartient à NGC 2536. 


Le système présente de forts mouvements de gaz non circulaires provoqués par l'interaction et la distorsion du champ de vitesse due à la flexion du disque externe de NGC 2535, bien que la courbe de rotation du disque central de cette galaxie (dans R ∼ 20–25 arcsec) soit assez symétrique (cf. schéma 2 ci-dessous).


Hancock et al. (2007) ont par ailleurs étudié les deux galaxies à travers plusieurs filtres (cf schéma 3 ci-dessous) : le pont et la contre-queue sont facilement visibles dans les images FUV (Far Ultra-violet) et NUV (Near Ultra-Violet) et la région de la queue est nettement plus visible en UV qu’en IR (Infra-Rouge), ce qui est attendu, les UV traçant des étoiles plus anciennes.


Sur leur cliché, on peut identifier 26 régions brillantes de formations d’étoiles (grumeaux) , surtout visibles à 8 µm. Leur étude en bande large donne un âge pour la majorité d’entre eux de moins de 100 millions d’années, certains semblant jeunes de quelques millions d’années seulement, les grumeaux dans les bras de marrée ayant tendance à être plus jeunes.


Le Schéma 4 donne le poids de chacun d'entre eux,  leur masse ayant été estimée individuellement en incluant les étoiles de 0.1 à  100 M⊙ (ce qui donne des masses estimées entre 10^6 et 10^9 M⊙).


Les deux galaxies ont vraisemblablement présenté deux rencontres rapprochées et la rencontre la plus récente a provoqué un sursaut de formations d'étoiles nettement plus intense dans les deux galaxies. NGC 2536 a conservé un taux faible de formation d'étoiles jusqu'au moment de la seconde rencontre, moment au cours duquel il semblerait qu’elle ait converti son disque LSB très régulier en une forme irrégulière compacte (que l’on observe à présent) à la suite des effets des marées. Ce modèle prédit que lors de la prochaine fusion (dans un avenir proche), le taux de formation d’étoiles augmentera nettement.


Cette cinétique de formation d'étoiles est inhabituelle ; la formation initiale de ces deux galaxies semble avoir été peu spectaculaire, tout comme les phénomènes transitoires de formation d'étoiles ultérieurs. Cette phase initiale calme a été suivie d'une longue période, à peine inférieure à l'âge de l'univers, au cours de laquelle très peu d'étoiles supplémentaires ont été produites. En un sens, la formation des deux galaxies s'est « bloquée » jusqu’à ce que des disques normaux de type tardif puissent se former.


En résumé, on peut faire notre cette constatation de l'équipe du Spitzer Spatial Telescope :


"Cette paire de galaxies en interaction connaît peut-être l'équivalent galactique d'une crise de la quarantaine. Pour une raison quelconque, le couple, appelé Arp 82, n’a pas formé ses étoiles très tôt come le font la plupart des galaxies. Au lieu de cela, les deux galaxies ont eu un second souffle plus tard dans la vie - il y a environ 2 milliards d'années - et ont commencé à former de nouvelles étoiles comme si elles étaient redevenues jeunes."

Cliquer sur les images pour les afficher intégralement et récupérer des informations complémentaires

Les interactions de marée des galaxies riches en gaz spatialement proches affectent principalement leur composante gazeuse en raison de la nature collisionnelle des gaz et de la faible dispersion des vitesses des gaz. Une partie du gaz des galaxies en interaction perd de son moment angulaire et se rapproche alors du centre, provoquant généralement un sursaut de formation d'étoiles, tandis qu'une partie du gaz et des étoiles peuvent être projetés hors des disques galactiques, formant fréquemment des courants de marée s'étendant loin des galaxies parentes.


A un stade d'interaction forte, des collisions directes dans les écoulements de gaz peuvent se produire, entraînant la formation d'étoiles induites par choc. Les formations d'étoiles sont souvent observées à la fois dans la périphérie éloignée du disque et dans les débris de marée des galaxies, y compris avec formation de galaxies naines de maréeliées par gravitation.


Ce point fondamental a été confirmé en 2019 pour la Voie Lactée par une équipe franco-chinoise de l’Observatoire de Paris grâce aux données du satellite GAIA. Jusqu’ici, les propriétés des galaxies naines satellites étaient expliquées depuis plusieurs décennies par la présence de matière sombre ; dans les galaxies naines, une agitation exceptionnelle des étoiles étant observée, leur cohésion ne pouvait être expliquée qu’en invoquant la présence de masse sombre en énormes quantités, parfois jusqu’à plusieurs milliers de fois supérieure à celle des étoiles, ajoutant de la gravité qui contre-balance l’agitation des étoiles, qui elle tend à disperser l’ensemble. C’est donc aux plus petites échelles du cosmos que la matière sombre est supposée être la plus abondante. Mais cette hypothèse était surtout liée au fait qu’il était cru que les galaxies naines étaient des satellites depuis un grand nombre de milliards d’années, expliquant ainsi le besoin d’un équilibre sur de longues périodes.


Or les mesures de Gaia ont récemment mis en évidence (second catalogue) que les orbites des galaxies naines autour de la Voie Lactée étaient très excentriques, ce qui va à l’encontre d’un scénario où les galaxies naines se seraient satellisées il y a des milliards d’années. Elles ont donc probablement été capturées par la Voie lactée beaucoup plus récemment que ce qui était pensé auparavant, et leur dynamique ne serait finalement gouvernée que par les seuls effets gravitationnels de marée exercés par la Voie lactée, suivant les principes de la physique newtonienne.


Ainsi, l'histoire des galaxies naines satellites peut s'expliquer selon le modèle suivant : initialement très petites et irrégulières, dominées par du gaz froid, les galaxies naines satellites sont attirées par une galaxie et tombent dans son halo. Par un effet de pression dynamique, leur propre gaz est arraché par celui du halo. Cette perte de gaz entraîne une perte de gravité et leurs étoiles se retrouvent « affolées » et vont en se dispersant dans toutes les directions. Entrent alors en jeu les effets gravitationnels de la galaxie qui agissent via des chocs de marée, - de même nature que ceux qui forgent les amas globulaires. Ainsi, au sein des galaxies naines, les chocs martèlent les étoiles, lesquelles se retrouvent capturées par effet de résonance le long d’une direction privilégiée, qui les relie au centre de la Voie lactée.


Dans ce modèle, par extrapolation avec ce que GAIA a mis en évidence pour la Voie Lactée, les galaxies naines se forment et gravitent autour des galaxies sans recours à la matière sombre, uniquement par des effets de marée.

Références :

The Detailed Velocity Field of the Ionized Gas in the Interacting Pair of Galaxies NGC 2535-36. Amram P., Marcelin M., Boulesteix J., Le Coarer E. (1990)  In: Wielen R. (eds) Dynamics and Interactions of Galaxies. Springer, Berlin, Heidelberg


HST Observations of the Interacting Galaxies NGC 2207 and IC 21631 B. G. Elmegreen, M. Kaufman , C. Struck, D. M. Elmegreen, E. Brinks, M. Thomasson, M. Klari´c, Z. Levay, J. English, L. M. Frattare, H. E. Bond, C.A. Christian, F. Hamilton, K. Noll. The Astronomical Journal, Volume 120, Number 2.


Large-scale star formation triggering in the low-mass arp 82 system: a nearby example of galaxy downsizing based on uv/optical/mid-ir imaging. M. Hancock, B. J. Smith, C. Struck, M. L. Giroux, P. N. Appleton, V. Charmandaris and W. T. Reach. The Astronomical Journal, 133:676–693, 2007 February


On the Absence of Dark Matter in Dwarf Galaxies Surrounding the Milky Way. Hammer F., Yang Y., Wang J., Arenou F., Puech M., Flores H. & Babusiaux C. The Astrophysical Journal, 883:171 (14pp), 2019 October 1

Date  de création : 

Date  de modification :

27 01 2019

13 12 2020

bottom of page