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WHI B1241 43 et ESO 172-7 en LRGB au Planewave 500

WHI B1241-54

La chasse aux galaxies naines à très faible brillance de surface

Introduction

En réalisant une image de la Nébuleuse du Boomerang dans le Centaure, une lueur diaphane apparait en bord de champ : une nébulosité faible, grossièrement arrondie, que l’on aurait pu prendre pour un simple reflet instrumental. La vérification dans les catalogues permet de lever l’ambiguïté : il s’agit de WHI B1241-54, un objet discret signalé par Whiting et collaborateurs au début des années 2000.


Peu documentée et rarement illustrée, WHI B1241-54 est classée comme nébulosité galactique à très faible brillance de surface (aussi appelée nébuleuse par réflexion). Elle partage ainsi le même champ que "le Boomerang" sans lui être liée physiquement : sa présence n’apparaît qu’avec des intégrations longues et un traitement soigné des gradients.


Si cette page présente l’identification de l’objet sur nos images, les éléments factuels disponibles (coordonnées, dimensions apparentes, brillance), quelques conseils pratiques d’acquisition pour le retrouver, notre objectif est de fournir aux astrophotographes et aux observateurs une fiche claire pour repérer et confirmer WHI B1241-54 lorsqu’elle se glisse, presque incognito, sur les images de la Nébuleuse du Boomerang mais aussi de réintégrer cet objet ultra faible dans le contexte de la « chasse aux naines » de Whiting et de ses collaborateurs.

Description

Photographier WHI B1241-54 exige la même discipline qu’une chasse aux objets de très faible brillance de surface : privilégiez une nuit sans Lune, un ciel sombre (Bortle 1–3) et un champ soigneusement cadré autour de ses coordonnées J2000 (≈ 12ʰ 44ᵐ 33ˢ, −54° 24′ 57″). Un instrument rapide aide beaucoup (Newton f/4–f/5 ou réfracteur f/5–f/7), avec une focale de 600 à 1200 mm pour détailler la nébulosité (∼2′ × 1,3′) tout en conservant des étoiles de repère. Optez pour des poses longues et nombreuses en luminance (L) et RGB — les filtres étroits n’apportent rien ici : ce n’est pas une nébuleuse d’émission. 


Selon votre ciel, visez des poses de 180–300 s (L) et 240–360 s (R, G, B), pour une intégration totale de 6 à 12 h ; dithering toutes les 2–3 images, autoguidage soigné, collimation et mise au point (masque de Bahtinov) impeccables sont déterminants. 


En traitement, soignez la calibration (bias/darks/flats), le retrait des gradients et un étirement progressif du fond de ciel ; protégez les étoiles avec des masques pour éviter de les « brûler » et appliquez la réduction de bruit avec parcimonie. Un léger poids en L et, si votre ciel le permet, une part B un peu renforcée (réflexion) aideront à faire émerger la lueur ténue de WHI B1241-54, dont la lecture reste subtile : ici, la patience et la stabilité du fond de ciel font l’image.


Voici uniquement les éléments propres à l’entrée “WHI B1241-54” (cad sans élément intéressant la Nébuleuse du Boomerang) :


  • Désignation & source : objet listé par Whiting, Hau & Irwin parmi les candidats « naines du Groupe local » ; il apparaît dans la Table 2 (hémisphère Sud) de 2002, puis dans la mise à jour 2006. 

  • Nature (classification) : nébulosité galactique ; description textuelle 2002 : « faint reflection nebula » ; étiquette 2006 : « Gal. neb ». 

  • Coordonnées (J2000) :

    • 2002 : 12h 41m 43.6s, −54° 09′ 02″ (entrée de Table avec commentaire “reflection nebula”). 

    • 2006 : 12h 44m 33.3s, −54° 24′ 57.4″ (entrée de Table avec brillance de surface). 

Avec cette remarque des auteurs concernant les nébulosités diffuses : le « centre » étant mal défini, les positions données sont de l’ordre de 0,1′ quand la morphologie le permet. 

  • Taille apparente (suivi 2002) : ≈ 2.1′ × 1.3′. 

  • Brillance de surface (R) : 23.4 ± 0.1 mag arcsec⁻² (entrée 2006). 

Un peu de science

Pour comprendre d’où vient la désignation WHI B1241-54, il faut la replacer dans le programme de recherche de galaxies naines à très faible brillance de surface mené par A. B. Whiting, G. K. T. Hau et M. Irwin au début des années 2000. Leur objectif était de traquer d’éventuelles satellites du Groupe local  (cad une population cachée de galaxies naines à très faible brillance de surface) passées inaperçues sur les grands relevés optiques.  Leurs résultats étaient publiées dans deux articles séparés, le premier en 2002, le second en 2006.  Le nom de WHI B1241-54 provient donc tout simplement des auteurs (WHI) et de ses coordonnées (12h 41m 43.6s, −54° 09′ 02″).


La méthode combinait une inspection visuelle des plaques photographiques ESO/SRC (894 champs) et un suivi CCD (CTIO 1,5 m ; INT 2,5 m). Le critère décisif pour distinguer une véritable naine du Groupe local d’un objet d’arrière-plan ou d’une nébulosité galactique était la résolution stellaire sur des poses en bande R (complétées au besoin par V/I pour les diagrammes couleur-magnitude, et Hα pour écarter les nébuleuses d’émission). Cette approche leur a permis d’établir des limites de complétude très basses en brillance surfacique, tout en réduisant nettement les faux positifs.


Dans le premier article publié dans ApJS, Whitting et ses collègues posent les bases d’une enquête méthodique sur l’existence éventuelle d’une population « cachée » de galaxies naines à très faible brillance de surface dans l’hémisphère Sud du Groupe local. Les auteurs passent visuellement en revue les 894 champs des plaques photographiques ESO-SRC/SERC, puis soumettent les objets retenus à un suivi CCD. La procédure est standardisée : une pose R de 15–20 min vérifie si l’objet se résout en étoiles (critère fort d’appartenance au Groupe local) ; le cas échéant, des compléments V/I (séquences couleur-magnitude, distance) et Hα (pour écarter les nébuleuses d’émission) permettent de trancher.


Au total, 82 candidats ont été analysés. Le bilan est net : deux seulement relèvent effectivement du Groupe local (Antlia et Cetus), neuf autres se situent à quelques Mpc, tandis que la majorité se révèle être des galaxies d’arrière-plan, des nébuleuses (réflexion ou émission), des amas ou des identifications erronées. Autrement dit, la moisson d’authentiques naines proches est faible, et l’hypothèse d’une population abondante passée entre les mailles des grands relevés photographiques s’en trouve fortement affaiblie.


Les auteurs quantifient enfin la sensibilité de leur démarche : en s’appuyant sur les objets les plus ténus réellement détectés (par ex. le centre de Cetus mesuré à ~25,05 mag arcsec⁻² en R), ils montrent que le sondage est complet au moins jusqu’à ~24,7 mag arcsec⁻² (R) dans les zones épargnées par la nébulosité de la Voie lactée. Ils classent aussi la qualité des plaques (bonnes/moyennes/difficiles), précisant les biais et limites de l’exercice. La méthodologie est intéressante en ce qu'elle confirme qu'il ne faut pas se fier à un seul indice (morphologie, couleur, etc.) mais bel et bien combiner systématiquement résolution stellaire et imagerie multi-bandes pour éviter les faux positifs.


Mais c’est dans ce cadre que figure WHI B1241-54 : l’objet y est répertorié comme nébulosité galactique très faible (souvent décrite comme nébuleuse de réflexion), avec coordonnées et dimensions apparentes consignées. Sa présence sur nos images grand champ autour de la Nébuleuse du Boomerang n’a donc rien de fortuit : elle a été détectée, décrite et classée dès cette première campagne.


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Complément et mise en perspective avec l’étude de 2006


L’article de 2006 prolonge et élargit l’enquête de 2002 : les auteurs passent d’un sondage de l'hémisphère Sud (894 champs ESO/SRC) à une campagne bi-hémisphérique intégrant aussi le Nord (POSS-II), avec un suivi CCD systématique (CTIO, KPNO, INT) avec 894 nouveaux champs. La méthode reste la même dans son principe — sélection visuelle d’objets très diffus puis test « se résolvent-ils en étoiles ? » en bande R, compléments V/I (séquences couleur-magnitude) et Hα (pour éliminer les nébulosités) — mais le protocole est resserré : qualification explicite des zones de ciel (hors/près de la Voie lactée), tests de complétude plus formels et seuils mieux quantifiés.


Sur le plan des résultats, 2002 dressait l’inventaire de 82 candidats du Sud et concluait à une moisson très maigre de naines satellites pour le Groupe local (seulement Antlia et Cetus confirmées). l’étude de 2006 a étendu l’échantillon total à 206 candidats (Nord + Sud) et confirme ce diagnostic : les véritables naines « classiques » du Groupe local ne pullulent pas aux limites atteintes par l’inspection photographique + CCD. Surtout, l'étude de 2006 transforme l’intuition de 2002 en bornes quantitatives : complétude > 77 % (et jusqu’à ~85–90 % selon les jeux de tests) pour des objets > 1′ et une brillance surfacique allant au-delà de R ≈ 25 mag/arcsec² (probablement ~25,5, possiblement ~26). En terme plus clairs, au plus 1–2 naines du type recherché resteraient à découvrir dans la partie dégagée du ciel, et peut-être une douzaine pourraient être cachées derrière la Voie lactée.


L'étude de 2006 apporte trois renforcements décisifs :


une cartographie claire du « ciel utile » (environ 72 % hors zone d’évitement), 

des estimations de complétude fondées sur comparaisons croisées et objets de référence très faibles,

des limites observables qui font de l’étude un cadre de référence pour le débat sur les « satellites manquants ». Là où 2002 montrait surtout ce que la méthode voit, 2006 précise ce qu’elle pourrait encore manquer — et combien.


Pour notre objet, WHI B1241-54, la continuité est nette : repéré en 2002 dans la moisson sud comme nébulosité galactique (souvent décrite « nébuleuse de réflexion »), il est relisté en 2006 avec coordonnées mises à jour et brillance de surface mesurée, confirmant qu’il s’agit bien d’une nébulosité diffuse réelle et non d’un artefact. En d’autres termes, le passage de 2002 à 2006 ne change pas sa nature, mais solidifie son statut par une documentation plus précise — exactement le type d’appui dont on a besoin pour le retrouver et l’identifier sur nos images grand champ centrées sur la Boomerang.


Références :

  • Whiting, A. B., Hau, G. K. T., & Irwin, M. (2002). The Southern Dwarf Hunt: Local Group Dwarf Candidates in the Southern Sky. Astrophysical Journal Supplement Series, 141, 123–146.

  • Whiting, A. B., Hau, G. K. T., Irwin, M., & Verdugo, M. (2006). An Observational Limit on the Dwarf Galaxy Population of the Local Group. AJ, 133, 715 (prépub. arXiv:0610551).

Date  de création : 

Date  de modification :

08 09 2021

08 09 2021

Jean-Brice Gayet

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